L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié, le 30 mars dernier, les résultats de son évaluation des effets sanitaires des basses fréquences sonores (de 20 à 200 Hz) et infrasons (inférieurs à 20 Hz) émis par les parcs éoliens. L’expertise menée par l’Agence a permis d’une part de mesurer et caractériser en situation réelle les infrasons émis par des parcs éoliens et, d’autre part, d’analyser les données disponibles concernant les effets potentiels sur la santé liés à l’exposition aux infrasons et basses fréquences sonores. Dans ses conclusions, l’Agence souligne que les résultats de cette expertise ne justifient ni de modifier les valeurs limites d’exposition au bruit existantes, ni d’étendre les fréquences sonores actuellement considérées dans la réglementation aux infrasons et basses fréquences sonores. L’Agence recommande toutefois de renforcer l’information des riverains lors de l’implantation de parcs éoliens, de compléter les connaissances relatives aux expositions et de poursuivre les recherches sur les relations entre santé et exposition aux infrasons et basses fréquences sonores. L’Agence recommande également de systématiser les contrôles des émissions sonores des éoliennes avant et après leur mise en service et de mettre en place un mesurage en continu du bruit autour des parcs éoliens, en s’appuyant notamment sur les pratiques existantes dans le domaine aéroportuaire.
Depuis 2011, la réglementation française relative aux éoliennes a été modifiée avec le classement des parcs éoliens dans le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE, arrêtés du 26 août 2011). Cet encadrement réglementaire prévoit une distance d’éloignement incompressible par rapport à la première habitation de 500 m, en complément de valeurs limites d’exposition au bruit (émergences sonores) dont le respect permet d’établir la distance effective d’éloignement (au-delà de 500 m dans la pratique) au cas-par-cas, à l’issue de la réalisation d’une étude d’impact sonore. Néanmoins, la réglementation ne tient pas compte des basses fréquences sonores ni des infrasons, seules les bandes d’octave de 125 à 4 000 Hz étant prises en considération.
Malgré l’intérêt croissant pour les énergies renouvelables, la population s’interroge sur les impacts environnementaux et sanitaires consécutifs à l’implantation d’éoliennes. En particulier, de nombreux riverains d'installations futures ou en place se plaignent du bruit audible généré et s’inquiètent également du rôle potentiel des infrasons et basses fréquences émis par les éoliennes dans la survenue de certains effets sanitaires.
Dans ce contexte, l’Anses a été saisie en 2013 par le Ministère de la santé et le Ministère de l’environnement afin de réaliser une expertise relative aux effets sanitaires potentiels des basses fréquences (20 Hz à 200 Hz) et infrasons (inférieurs à 20 Hz) dus aux parcs éoliens. Pour ce faire, un groupe de travail constitué d’experts en acoustique, en métrologie, en épidémiologie et en évaluation des risques sanitaires a été mis en place par l’Agence en 2014.
Les travaux menés ont permis d’une part, grâce à une revue de la littérature scientifique en matière d’effets sanitaires auditifs et extra auditifs, de mettre à jour les connaissances existantes et d’autre part de documenter les niveaux d’exposition sonores à proximité de parcs éoliens. En effet, en complément des données issues de la littérature scientifique sur l’exposition aux infrasons et basses fréquences dus aux parcs éoliens, l’Anses a fait réaliser des campagnes de mesures de bruit (incluant basses fréquences et infrasons) à proximité de trois parcs éoliens par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Au-delà, l’analyse des référentiels réglementaires mis en place dans les pays européens a permis de mettre en évidence l’hétérogénéité de la prise en compte de cette problématique au sein de l’Union européenne.
Les résultats des mesures effectuées confirment que les éoliennes sont des sources d’infrasons et de basses fréquences sonores. Toutefois, aucun dépassement des seuils d’audibilité (1) dans les domaines des infrasons et basses fréquences jusqu’à 50 Hz n’a été constaté.
Par ailleurs, les effets potentiels sur la santé des infrasons et basses fréquences produits par les éoliennes n’ont fait l’objet que de peu d’études scientifiques. Cependant, l’ensemble des données expérimentales et épidémiologiques aujourd’hui disponibles ne met pas en évidence d’effets sanitaires liés à l’exposition au bruit des éoliennes, autres que la gêne liée au bruit audible (1).
Des connaissances acquises récemment chez l’animal montrent toutefois l’existence d’effets biologiques induits par l’exposition à des niveaux élevés d’infrasons. Ces effets n’ont pour l’heure pas été décrits chez l’être humain, en particulier pour des expositions de l’ordre de celles liées aux éoliennes et retrouvées chez les riverains (exposition longue à de faibles niveaux). À noter que le lien entre ces hypothèses d’effets biologiques et la survenue d’un effet sanitaire n’est pas documenté aujourd’hui.
L’Anses conclut que les connaissances actuelles en matière d’effets potentiels sur la santé liés à l’exposition aux infrasons et basses fréquences sonores ne justifient ni de modifier les valeurs limites d’exposition au bruit existantes, ni d’introduire des limites spécifiques aux infrasons et basses fréquences sonores.
Dans ce contexte, l’Agence recommande :
L’Agence rappelle par ailleurs que la réglementation actuelle prévoit que la distance d’une éolienne à la première habitation soit évaluée au cas par cas, en tenant compte des spécificités des parcs. Cette distance, au minimum de 500 m, peut être étendue à l’issue de la réalisation de l’étude d’impact, afin de respecter les valeurs limites d’exposition au bruit.
(1) Le seuil d’audibilité est le volume sonore minimal perceptible par l’oreille humaine. Plus les fréquences sonores sont basses, plus le niveau sonore doit être élevé pour qu’il soit perceptible.