Des Franciliens parlent du bruit

La perception vécue des sons, des bruits et du silence est un phénomène subjectif qui dépend de nombreux facteurs très variables selon les personnes : état de santé (en particulier auditive), âge, lieu de résidence, activités professionnelles, goûts et caractère personnels et influences culturelles, entre autres.

Au-delà des mesures objectives et des réponses apportées à des questionnaires à choix multiples tels que ceux utilisés par les enquêtes de ressenti permettant de construire des statistiques, le recueil de la parole grâce lors d’entretiens semi-directifs est un moyen privilégié pour entrevoir la complexité et la subtilité de la relation de chacun d’entre nous aux différents environnements sonores dont nous faisons l’expérience.

Les trois enregistrements vidéo ci-dessous, réalisés sur la voie publique en Île-de-France, captent sur le vif ce rapport au son et au bruit.

Micro-trottoir 1 : le bruit…

Une nuisance perceptible ?

Le plus gênant ?

Un impact sur la santé ?

Micro-trottoir 2 : le bruit…

Etes-vous informés ?

Pour lutter contre le bruit ?

Micro-trottoir 3 : les ados et le bruit…

Etes-vous gêné par le bruit dans votre environnement ?

Avez-vous déjà ressenti les effets du bruit sur votre santé ?

Que faire à votre avis pour réduire le bruit dans l’environnement ?

Avez-vous déjà ressenti des effets liés à la musique amplifiée sur votre santé ?

Si oui, lesquels ?

Acouphènes et hyperacousie, qu’en pensez-vous ?

Quel message donneriez-vous aux jeunes de votre âge ?

C’est aussi de ces expériences vécues du monde sonore francilien que témoignent les propos restitués ci-dessous, recueillis auprès de vingt personnes rencontrées dans des lieux publics par Bruitparif du 9 au 13 mai 2017 à Sarcelles et Saint-Maur, ainsi que dans le 12ème arrondissement de Paris et dans une des gares parisiennes du RER. Bruitparif remercie toutes ces personnes d’avoir eu l’amabilité de répondre aux quelques questions systématiquement posées. Afin de respecter leur vie privée, leurs prénoms ont été changés.

Damien, 35 ans, Paris 20ème, consultant :

« Je suis plutôt préoccupé par le bruit. Quand on est parisien, on a l’habitude, mais la ville est bruyante par rapport à des régions de campagne. Le bruit me gêne avant tout dans les transports, dans le métro ou sur les grandes artères. Ça stresse, ce qui est reconnu comme mauvais pour la santé. À domicile, ça va, puisque j’habite en arrière-cour. Je mets parfois des bouchons d’oreilles au concert ou en boîte de nuit. »

Anura, 25 ans, Paris 12ème, étudiante :

« Je suis assez sensible au bruit, mais je déteste par-dessus tout le bruit des deux-roues qui passent très vite et qui abusent. Dans l’ensemble, l’Île-de-France est bruyante, et à Paris c’est assez bruyant. Je pense que le bruit est très mauvais pour la santé. Ça donne des maux de tête et le trop fort volume sonore est à coup sûr mauvais à long terme. En France, par rapport à d’autres pays, le volume n’est pas trop fort dans les cinémas… En Inde, au Bangladesh, au Kenya, la musique est très forte dans les bars, alors qu’en France, ça dépend des bars, mais la France ne doit pas être la plus mal placée. Je mets parfois des boules Quies pour travailler, et en été la nuit quand on laisse la fenêtre ouverte. »

Farid, 56 ans, Paris 12ème, chargé de sécurité :

« Je travaille intra-muros et en banlieue, et je suis évidemment gêné par le bruit, parce que j’habite sur une avenue bruyante. Ça serait bien si on pouvait avoir un peu moins de bruit. Dans les immeubles, il y a le bruit des voisins… On a rarement des moments de calme où l’on peut vraiment avoir un silence absolu comme à la campagne ou dans d’autres endroits où on peut apprécier les bruits de la nature. Ici, il y a les camions… Je trouve l’Île-de-France particulièrement bruyante, mais je me mets à la place des gens qui habitent juste sous un aéroport ou à proximité des lignes TGV, ça doit être l’enfer. Quelque part, je suis moins à plaindre que certains. Je pense que le bruit est mauvais pour la santé, et je pense qu’on peut faire beaucoup de choses très simples pour améliorer le niveau sonore. Mis à part les véhicules de transports en commun et les taxis électriques, ce qui serait pas mal, on pourrait limiter le bruit de certaines motos, qui sont insupportables. Et aussi les sirènes des voitures de polices et des pompiers, qui doivent, la nuit, réveiller des dizaines de milliers de personnes en passant dans les quartiers qui ont retrouvé un certain calme. C’est insupportable. On devrait moduler le niveau de ces sirènes au bruit ambiant. C’est très simple à faire. Le bruit me gêne chez moi : j’ai la chance d’avoir un petit balcon et je ne peux pas en profiter parce que c’est trop bruyant. Dans les transports, on s’y fait. C’est surtout quand on se promène et qu’on est chez soi. Certains bruits sont évitables. Il m’arrive de me protéger avec des bouchons d’oreilles quand je travaille dans des concerts, là où le niveau de bruit est très fort. »

Noémie, 67 ans, Paris 12ème, expert-comptable à la retraite :

« On est de plus en plus agressés au quotidien dans la rue. Les enfants en trottinette et à vélo crient beaucoup, les motos pétaradent et démarrent à toute berzingue, le marché fait du bruit… Dans le métro, c’est pareil, il y a beaucoup de bruit avec les rames qui arrivent sur le quai, mais ça, on ne peut rien y faire. C’est surtout le bruit des gens qui parlent très fort avec le téléphone portable, il n’y a aucune éducation, ils ne font pas attention à leurs voisins et on entend leurs conversations… On ne peut pas rester cinq minutes tranquilles. La nuit, ça va chez moi, parce que j’habite une résidence assez calme et parce que j’ai mis des doubles vitrages. Ça marche bien. J’ai tout le temps des problèmes de voisinage, à cause des gens qui font jouer leurs enfants dans le jardin alors que c’est interdit, il y a de la musique très fort le soir. J’ai déjà appelé la police, mais elle n’est pas venue parce qu’elle avait des choses beaucoup plus importantes à faire. On s’arrange entre nous, mais ça ne marche pas toujours. Il y a beaucoup d’incivilités. L’Île-de-France est plutôt bruyante. Je suis allée à Amsterdam : c’est génial, je n’y ai pas souffert du bruit comme à Paris. Le bruit est sûrement mauvais pour la santé à cause du stress, de l’hypertension, on dort moins bien. Je ne me protège pas dans les transports, parce qu’on ne peut rien faire à part mettre des bouchons d’oreille. Je me protège beaucoup dans les concerts, par exemple à Bercy : ça dépote. »

Issa, 24 ans, Paris 10ème, étudiant :

« Je suis ennuyé par le bruit, et l’Île-de-France me semble plus bruyante que le Limousin, par exemple, parce que j’aime bien écouter ma musique tranquille avec mon casque. J’y habite depuis assez récemment. Je pense que le bruit n’est pas mauvais pour la santé, mais je le trouve un peu dérangeant. Le bruit me dérange le plus en plein centre-ville, là où il y a le plus de touristes, mais c’est normal. C’est surtout la circulation. Le métro, franchement, ça va. A part mon casque, je ne me protège pas vraiment. »

Chantal, 68 ans, Paris 12ème, secrétaire de rédaction à la retraite :

« C’est difficile à dire si le bruit me préoccupe. On aurait envie d’un silence, et on aimerait bien entendre les petits oiseaux chanter. Malheureusement, il y a les travaux sur le palier, à côté de mon appartement, et ça fait quatre mois que ça dure. On peut comprendre que les gens fassent des travaux, mais, il y a des moments… Il y a le brouhaha habituel des voitures, et puis il y a les crétins qui trouvent sympa d’accélérer à minuit. Ça ne me réveille pas vraiment, mais ça sort des bruits habituels. Le coq, à la campagne, ne me dérange pas, les cloches de l’église non plus, les enfants dans la cour de récréation, c’est normal. Ce qui est agaçant, c’est les gens qui viennent téléphoner sous les fenêtres à minuit. Mais quand on vit en ville, on a un peu l’habitude du bruit. Il y a aussi des problèmes dans notre maison de campagne, des abrutis n’ont pas compris que c’est limité à 50. Dans le métro, j’ai pris l’habitude. Au bureau, il y avait les gens qui klaxonnaient par les fenêtres… Il y aussi le bruit des climatiseurs. L’opticien d’à côté avait installé un climatiseur sous nos fenêtres de cuisine, et c’était un ronronnement continu, en plus de la chaleur. D’ailleurs, on s’est battu, puisqu’ils n’avaient pas demandé l’autorisation de la copropriété. Je pense que le bruit est stressant. Il y a même quelquefois des réactions de violence. On n’excuse pas, mais on comprend que des gens soient excédés. C’est pénible. Il y a aussi les problèmes de surdité. Je fais attention à ne pas utiliser les écouteurs, je n’écoute pas la musique trop fort, j’essaye de faire attention. »

Violette, 18 ans, Joinville-le-Pont, étudiante :

« Le bruit ne me soucie pas spécialement. J’habite en banlieue et c’est calme. Il y a quand même un problème, c’est quand les trains freinent : c’est horrible comme bruit et à chaque fois je me bouche les oreilles. Je n’arrive pas à supporter ça. Le bruit me gêne dans les gares de RER, mais aussi au restaurant universitaire, même si je comprends que tout le monde ait besoin de parler. Le danger dépend sûrement de l’intensité : je ne pense pas qu’entendre les trains freiner ponctuellement puisse endommager notre ouïe, mais à répétition, ça doit pouvoir poser problème. Au concert ou dans les festivals de musique, généralement, on nous donne des petits bouchons d’oreille, et au bout d’un moment, je les mets, parce que ce n’est plus supportable. »

Ousmane, 40 ans, Sartrouville, gestionnaire immobilier : 

« Le bruit me préoccupe beaucoup. L’Île-de-France n’est pas spécialement bruyante. J’ai connu bien pire à Dakar, où le bruit des voitures et des klaxons, sur la route, est beaucoup plus fort qu’ici. Je trouve que le bruit est fort dans les transports, surtout dans le RER. Les bruits de freins quand on est sur le quai et que le train passe. Dans les tunnels, c’est correct. Par moment, les gens qui discutent trop au téléphone dans les wagons, c’est un peu pénible : c’est plus les personnes que le bruit du train. J’écoute beaucoup la musique dans le train et ça me protège. Au boulot, ça va, on a le double-vitrage et des bureaux séparés. Le danger, ça dépend des décibels. Je pense qu’il y a un niveau où ça devient dangereux, surtout quand on y est en permanence. »

Éric, 47 ans, Lille, professeur d’université :

« Je viens plusieurs fois par semaine travailler à Paris. Je suis énormément concerné par le bruit. Je pense qu’à Paris, la sensibilisation au bruit est plus forte qu’à Lille, où les sirènes sont utilisées à outrance. J’ai l’impression que les ambulanciers y sont sensibilisés à Paris, et qu’ils s’en servent beaucoup moins. Le bruit me dérange surtout au travail et à domicile, où je travaille aussi : j’ai deux bureaux à Lille et à Paris. Notre nouveau bureau à l’université est très calme et extrêmement agréable. À la maison, à Lille, les bruits de la rue (motos, scooters, etc.) posent problème, y compris la nuit, c’est pénible parce qu’on dort mal. Je fais avec le bruit des transports parisiens, les lignes 2, 13 et 14 du métro, que j’emprunte essentiellement. De toute façon, cet environnement est désagréable et je n’ai pas de problème à ce sujet. Il y a pire, parce qu’on sait qu’on va entendre du bruit dans le métro. Je me suis protégé du bruit en changeant de fenêtres, ce qui coûte une fortune. »

Marie-Claire, 48 ans, Paris 15ème, agent administratif :

« Je suis sensible au bruit depuis très longtemps. Je me souviens qu’à la sortie d’une exposition, il y a de nombreuses années à Paris, j’ai noté dans un questionnaire sur le bruit que j’étais très dérangée par le bruit des voitures sur les chaussées mouillées. Je ne sais pas quelle est la solution. Mais ce n’est pas grave. Le centre de Marseille est plus bruyant que Paris : il y a beaucoup de gens dehors, les fenêtres sont ouvertes… Je suis très gênée dans le métro, aussi bien dans les stations que dans les voitures. À la gare Montparnasse, il y a de la musique dans les couloirs, et je n’aime pas du tout ça, en plus du bruit des gens. Je trouve ça insupportable. Ce n’est pas de la musique choisie. Chez moi, je me suis habituée. Quand je marche dans la rue, les voitures ne me gênent pas trop. Mais je déteste être dans un TGV avec des voisins bruyants. Je suis devenue très intolérante. J’ai lu que le bruit est mauvais pour la santé et j’y crois. Ça peut détériorer les oreilles et c’est énervant, ça peut entraîner un énervement sur soi-même et sur les autres. Ça use et ça stresse. Je ne me protège pas par rapport au bruit, parce que je ne supporte pas les bouchons ordinaires, mais je veux bien être conseillée sur ce point. »

Sophie, 50 ans, Paris 19ème, comédienne :

« Je ne suis pas tellement sensible au bruit. Ce n’est pas vraiment possible si on vit en région parisienne. L’Île-de-France est bruyante, mais je pense qu’on s’habitue. J’ai déménagé il y a deux ans, et au début, je ne supportais pas certains bruits : je n’entends même plus mes voisins de dessus. J’ai une grande rue pas très loin de chez moi et je l’entends parce que je suis en hauteur. Je ne l’entends plus non plus maintenant. En revanche, les travaux, c’est insupportable, surtout à la maison. Parfois, il y a de quoi péter un plomb, même si je me suis habituée. Je ne sais pas s’il y a des conséquences sur la santé. »

Joëlle, 82 ans, Saint-Maur, commerçante à la retraite :

« Ça me dérange la nuit. Les gens qui se déplacent la nuit et qui hurlent. Ici, on a beaucoup de bruit le soir, après onze heures, minuit. Il y a aussi la voix des gens qui sortent du métro, mais on n’y peut rien. Ils traînent dehors, ils rient… Tout résonne, la nuit. Ça me gêne. C’est surtout ce genre de bruit qui nous dérange, si on veut laisser les fenêtres ouvertes. Le métro ne nous gêne pas du tout, sauf qu’ils font beaucoup de travaux, et il y a beaucoup de camionnettes qui viennent régulièrement après la fermeture, et ils mettent leurs camions, déplacent des trucs, et les portes coulissantes, et vlan, ça fait un bruit fou. Parfois il y a le compresseur qui marche pour faire les travaux, et ils ne se rendent pas compte. Les voisins ne nous dérangent pas. En Province, il y a moins de vie. Ici, c’est vivant, quand même, cette place. Nous ne prenons plus le métro. Le soir, sur la place, il y a aussi les motos. On entend ce bruit. Quand tout est calme et que vous vous endormez, c’est encore pire. Ça nous empêche de nous endormir. On ferme les fenêtres quand il y en a trop et on les rouvre quand tout est calme. Je ne crois pas que ça ait des conséquences sur la santé. À nos âges, on ne s’en rend pas compte. »

Jacques, 86 ans, Saint-Maur, dessinateur industriel à la retraite :

« Moi, je n’aime pas le bruit, surtout celui de la musique actuelle. Les gens qui sont sur la place, la nuit, sont plus ou moins éméchés. Des fois, c’est pas triste. Des fois, à deux heures du matin, il y a des gens assis sur la fontaine et qui dansent au milieu de la place. Vu ce qu’ils ont absorbé, ils ne doivent pas sentir s’il fait chaud ou froid, et c’est valable toute l’année. C’est surtout ce genre de bruit qui nous dérange, si on veut laisser les fenêtres ouvertes et dormir, des fois, on est obligés de les refermer. C’est vrai que les camionnettes des travaux, la nuit, font du bruit. Souvent, on doit fermer les fenêtres. Les voisins ne nous dérangent pas. Ici, en Île-de-France, il y a beaucoup de circulation. J’ai pris le métro et le RER pendant 45 ans, et c’est fini. J’en ai trop souffert. Le bruit, les pannes, la foule, la chaleur… ça ne me manque pas. Ça ne doit pas poser de problème pour la santé, parce qu’on n’est pas exposé à des bruits extraordinaires. J’ai un problème de surdité, mais c’est dû à mon travail en usines. Dans les ateliers, ça tape. »

Fayçal, 48 ans, Paris 13ème, directeur d’une entreprise de communication :

« Bien que j’habite dans le 13ème, dans un coin tranquille près de la porte d’Ivry, je pense qu’il y a des endroits où le bruit, c’est pas évident. Entre les klaxons et les sirènes qui se multiplient… Ça commence à être dur. Le principal problème, c’est dans la rue, avec les klaxons, la police, les ambulances, les pompiers… et les incivilités. Ça commence à être de pire en pire. À mon domicile, c’est pas mal, à part qu’un voisin d’au-dessus fait du bruit avec ses talons, mais c’est la vie. Souvent, je vais en banlieue toulousaine, à Castelginest, et quand je suis là-bas, je ne suis pas le même, je suis beaucoup plus posé, avec le bruit et tout, je me ressource. C’est d’un calme, c’est génial. Je pense que le bruit est dangereux pour la santé, pour l’ouïe, tout ça. Regardez les magasins sur l’audition, beaucoup de marques s’y mettent. Il y a une raison à ça. Il y a un sacré business qui s’est déjà mis en place et qui s’étoffe. Au bureau, ça va, je suis à porte de Vincennes, même si c’est bruyant pour y aller. Mais quand on est dans le coin, ça va. Il y a du bruit partout, mine de rien. Je suis avant tout gêné par les passants qui crient, mais pas autant que par les routes et le reste. Je ne me protège jamais, mais il faudrait peut-être que je le fasse. »

Pavla, 46 ans, Saint-Maur, vendeuse :

« Je ne fais pas vraiment attention au bruit. Il est vrai qu’à Paris, c’est très bruyant, mais j’habite dans un quartier très calme et ça ne me dérange pas du tout. Il n’y a pas de problème à la maison. Je suis très calme et positive de nature et les bruits de la rue ne me dérangent pas, même quand c’est très très bruyant. Le bruit du RER ne me pose pas de problème. Paris est plus bruyante que dans d’autres quartiers et départements, et je pense que dans d’autres régions, c’est moins bruyant, sauf peut-être dans d’autres grandes villes. En Normandie, c’est plus calme. Le bruit, c’est dangereux pour la santé, mais ça dépend de la psychologie de chaque personne. Il y a aussi le problème des oreilles. Une de mes voisines est très sensible, même si on parle fort, ça peut la déranger. Je trouve que l’isolation, dans les immeubles en France, n’est pas très bonne. Quand j’habitais en Normandie, le bruit qui venait des voisins était très fort. Je les entendais beaucoup. Je ne me protège jamais, parce que je dors bien. »

Fouad, 56 ans, Garges-lès-Gonesse, agent d’entretien :

« J’habite à Garges, et il y a les avions. C’est vrai qu’il y a du bruit, y compris à la maison. Ça ne me gêne pas vraiment, mais je crois que ce n’est pas bon pour mes enfants. Moi, ça va, parce que j’ai l’expérience, avec le travail et tout ça. Ça ne m’embête pas non plus vraiment dans le RER, à part des fois : il faut bien que je le supporte pour pouvoir aller au travail. Le bruit des voitures et des klaxons m’embête un peu plus, mais on le supporte. C’est la vie. Evidemment, il y a du bruit à la maison, puisque nous vivons à sept dans un studio. »

Christiane, 69 ans, Garges-lès-Gonesse, retraitée :

« Le bruit me dérange au quotidien. Ces dernières années, le bruit de la ville a amplifié. Un, à cause des téléphones portables. Tout le monde téléphone dans la rue, et comme j’habite au troisième étage, ça monte. Il y a aussi les motos et les scooters trafiqués, les quads, tout ça, depuis les dernières années. J’habite pas loin de la gare, dans une résidence, et je trouve le bruit du train correct. Et maintenant qu’il y a le tramway, j’aime bien entendre son clic-clic : j’habite à 500 mètres, mais je l’entends. Je sais à quelle heure il démarre et finit ! Ces dernières années… Quand j’ai acheté ici, il y a 40 ans, on n’entendait pas les avions depuis la résidence des Mouettes, où j’habite. Au fur et à mesure, les couloirs de vol ont été modifiés, et j’ai de plus en plus l’impression que les avions sont à côté de l’immeuble, jusqu’à plus d’une heure du matin. À cette heure-là, c’est un très gros porteur : je ne sais pas s’il vient de Roissy ou du Bourget. Et puis, c’est la double-peine dans le quartier du Vieux pays de Garges : la section de notre parti politique y a son local, en bout de pistes du Bourget, et quand un avion passe pendant nos réunions, on est obligé de s’arrêter de discuter. Les personnes âgées de la résidence d’à côté le disent aussi : elles ont confié ce mal-vivre aux autorités publiques.

Dans le RER, c’est surtout le bruit des passagers. C’est surtout la façon de vivre ensemble qui est devenue un peu plus bruyante. Quand c’est de la musique, c’est bien, mais quand je te raconte ma vie au bout du téléphone, c’est pas terrible ! Dans l’entrée de ma copro, c’est correct avec les voisins. De temps en temps, il faut faire des petits ajustements, mais ça va. On vit ensemble, alors… Mais c’est le bruit de la rue. Ça s’est amplifié ces dernières années et c’est compliqué. Dans ma rue, il y a toutes sortes de véhicules : les voitures, les klaxons, les motos, les machins… Il y a aussi les sirènes des pompiers qui descendent de la caserne vers l’hôpital. Même avec du double-vitrage, on entend. Quand j’en ai marre de tout ce bruit-là, je couvre avec ma musique. Je suis préoccupée par le bruit, parce que, quand on est en activité, on supporte mieux le bruit de la ville. Mais comme je suis retraitée depuis dix ans, je sens la rumeur de la ville. Et puis après, c’est le bruit du marché, deux fois par semaine. C’est pas tant les personnes qui viennent que la disposition géographique du marché, le fait que les camions doivent se déplacer sur le parking de la gare, de très bonne heure. Mais un truc qui est bien, c’est que le bruit des camions-poubelles a baissé. En plus, tout le temps que je travaillais, à cinq heures et quart, ils étaient en bas de chez moi, et maintenant c’est plutôt dix-onze heures. »

Joao, 48 ans, Villiers-le-Bel, conducteur d’engins :

« Le bruit m’embête. Des fois, le bruit des motos, qui ne nous laissent pas dormir, quand il fait chaud, et tout ça. Je l’entendais depuis chez moi. Maintenant, je suis dans les zones pavillonnaires, et c’est mieux. Quand j’habitais à Sarcelles, ça m’empêchait de dormir, certaines fois. On vivait avec, on n’avait pas le choix. Avec les voisins, c’est très bien. J’ai de bons voisins. Les avions, ça ne nous dérange pas du tout. On les entend à Sarcelles, mais ça ne gêne pas beaucoup, surtout les fenêtres fermées, ça ne gêne pas. C’est surtout vers Gonesse et Goussainville et autour de Roissy qu’il y a plus de problèmes. Mais bon, je pense que les gens ont l’habitude, après des années et des années que les avions circulent. Il y en a beaucoup qui mettent des doubles-vitrages et tout ça. Avant, il y avait des gens qui étaient vraiment gênés. Les gens se plaignent un peu, mais il n’y a pas grand-chose. Lorsque j’étais à Sarcelles, il n’y avait pas tellement de bruit des avions. Mais même quand il faisait chaud, on était obligés de fermer les fenêtres à cause du bruit des motos… Je prends le RER tous les jours et ça va. De ce côté-là, ça va. Il y a surtout les retards et les problèmes techniques, tout ça. Ça casse les pieds à tout le monde, le chef est derrière nous, il commence à poser des questions quand on est en retard… Je pense que le bruit est mauvais pour la santé. Ça dépend si les décibels dépassent ou pas. Par contre, faire de la moto dans le quartier, ça, on est habitués. On n’est pas dans un quartier chic comme Paris. »

René, 57 ans, Sarcelles, chauffeur de taxi, Sarcelles :

« Il n’y a pas trop de bruit à Sarcelles, contrairement à ce qu’on peut penser. Les avions ne gênent pas trop. Par contre, on habite sur la place, et les jours de marché, mardi, jeudi, dimanche, c’est vrai qu’il y a des va-et-vient avec les chariots, tôt le matin. Il y a des types qui répètent en hurlant « tout à un euro » comme un disque. Il n’y a pas de problème avec les voisins. On habite dans un petit immeuble de trois étages, et ça va. Maintenant, nous, les taxis, on essaye de faire attention à l’achat de la voiture. J’ai pris une voiture hybride, pour me protéger du bruit, pour le confort du travail. C’est très important, parce que sinon, c’est le stress. J’ai un ami qui souffre à la mort à cause d’un acouphène, il m’a sorti des trucs sur la punition de Dieu, il fallait qu’il prie plus pour laver ses vices. »

Tina, 39 ans, Sarcelles, réceptionniste :

« Je pense qu’il y a trop de bruit à Sarcelles. Moi, je ne supporte pas. C’est pas les voisins, mais les voitures, les klaxons, les avions, tout. Ma fenêtre donne sur la place, et je ne supporte pas le bruit, parce que je suis souvent à la maison : je n’ai pas de travail en ce moment. On habite aux Flanades, à Sarcelles, et quand le soir il faut chaud et encore jour, il y a du monde. Ça fait du bruit. Je ne supporte pas. Mais les gens sont sympas à Sarcelles. Les avions me dérangent. Je suis aussi très dérangée par le bruit dans les tunnels du RER. Le bruit sur les quais, c’est normal, il y a les gens qui entrent et qui sortent. À Saint-Lazare, aussi l’escalator fait crrrrrrrr. Le bruit, c’est désagréable. Il y a des gens qui s’en fichent, mais moi, ça me dérange. Dans la cuisine, j’entends les avions, ils passent tout le temps, et je dois parfois fermer la fenêtre. Je suis sûre que c’est mauvais pour la santé. Quand je reviens du marché, je suis obligé de prendre un cachet, à cause des types qui crient. S’ils crient, je ne vais pas chez eux. À force d’entendre les gens parler fort, sur le marché, vous n’arrivez pas à parler normalement. Moi, ça me stresse. La télé, je la mets à 5, mais lui [son compagnon, présent], il faut qu’il mette à 25 : je lui dis qu’il a un problème, parce que ce n’est pas normal. Et puis, dès que je prends l’avion, j’ai des bourdonnements. Ça dure une semaine. Je crois que j’entends trop les choses. Dans le métro, les gens portent les écouteurs et j’entends leur musique. J’ai déjà dit à une dame : « Vous ne pouvez pas baisser ? ». C’est désagréable. Parfois c’est trois personnes qui écoutent, et j’entends tout. Je parle fort, aussi. Ma mère aussi, parce que mon père est sourd et muet, pour qu’il comprenne. »

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