Quantification des impacts du bruit des transports en Île-de-France

L’exposition au bruit des transports, en particulier en zone dense, constitue un réel enjeu de santé publique

Malgré une connaissance qui ne cesse de progresser, la prise en compte du bruit environnemental et de ses effets extra-auditifs est assez récente et encore vraisemblablement sous-estimée par les pouvoirs publics et par la population en comparaison avec d’autres facteurs environnementaux comme la qualité de l’air.

Afin de guider l’action publique en matière de réduction des niveaux de bruit ambiant, des méthodes d’évaluation quantitative du risque sanitaire, promues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ont été développées pour évaluer l’impact sanitaire attribuable à cette exposition.

Quantification des annÉes de vie en bonne santÉ perdues du fait du bruit des transports

De premières évaluations ont été réalisées en 2011 et en 2015 conjointement par l’Observatoire régional de santé Île-de-France (ORS Île-de-France) et Bruitparif pour les impacts sanitaires suivants du bruit des transports :

En février 2019, Bruitparif a procédé à la mise à jour de ces premières évaluations après la publication, en octobre 2018, des nouvelles lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le bruit environnemental, et la finalisation de la production des cartes stratégiques de bruit dites de troisième échéance au sein de la zone dense de la région Île-de-France. Dans ce cadre, l’impact du bruit des transports sur la santé des habitants a été évalué en calculant les effets liés à la gêne et aux perturbations du sommeil, en utilisant des relations dose-réponse actualisées.

Il en résulte une forte réévaluation des impacts sanitaires pour les expositions au bruit ferroviaire et au bruit aérien, notamment, du fait de la révision à la hausse des relations dose-effet pour ces deux sources de transport (voir figures ci-dessous).

Nouvelles courbes dose-réponse publiées par l’OMS en 2018 pour la gêne et les troubles du sommeil, comparées aux anciennes courbes utilisées dans les évaluations précédentes des impacts sanitaires.

À noter que d’autres effets tels que les troubles de l’apprentissage, les pathologies cardiovasculaires (autres que les infarctus du myocarde), les atteintes auditives… sont attribuables au bruit, mais que les informations disponibles sont à ce jour insuffisantes pour pouvoir les quantifier. Aussi ces évaluations successives doivent-elles être considérées comme des approches a minima de l’impact sanitaire du bruit des transports.

Cet impact est estimé à travers l’indicateur des années de vie en bonne santé perdues (en anglais : Disability-Adjusted Life-Years, ou DALYs). Pour construire ces évaluations, les informations et données suivantes ont été utilisées :

Sur cette base, il a été estimé en février 2019 que le bruit des transports dans la zone dense de l’Île-de-France est responsable de l’ordre de 108 000 années de vie en bonne santé perdues (DALY – Disability adjusted life years) chaque année, ce qui représente une perte de 10,7 mois par habitant en moyenne au cours d’une vie entière, cette perte pouvant dépasser trois ans pour les personnes les plus fortement exposées au bruit. Ainsi révisée, l’évaluation de ces impacts sanitaires est en forte hausse : en 2015, les résultats obtenus étaient respectivement de 75 000 années de vie en bonne santé perdues chaque année, de 7,3 mois par habitant en moyenne et de 18 mois pour les habitants les plus fortement exposés.

Toujours selon l’évaluation de février 2019, le principal effet sanitaire de l’exposition au bruit environnemental correspond aux troubles du sommeil, qui représente près de 61 000 années de vie en bonne santé perdues chaque année. La gêne est le deuxième effet sanitaire, avec près de 47 000 années de vie en bonne santé perdues par an.

Le bruit routier constitue la principale source de morbidité, en concentrant à lui seul 61 % des estimations de pertes d’années de vie en bonne santé (DALY) dans la zone dense francilienne. Pour autant, l’application des nouvelles courbes dose-réponse de l’OMS montre que les expositions aux bruits de transports à forte composante événementielle – trafics ferroviaires et aériens – sont tout sauf négligeables, représentant respectivement 22 % et 17 % des DALY calculés.

Bien qu’elles ne prétendent pas à une précision absolue, du fait des nombreux facteurs d’incertitude rappelés dans le rapport complet de l’étude de Bruitparif (voir ci-dessous), ces évaluations permettent toutefois d’objectiver le poids du bruit des transports sur la santé publique. Celui-ci devrait ainsi être pris en considération par les pouvoirs publics au même titre que la pollution de l’air ou le dérèglement climatique.

UNE Évaluation territorialisÉe

Dans son étude publiée en février 2019, Bruitparif présente une répartition territoriale des enjeux à travers des cartographies des impacts sanitaires par maille de 250 mètres de côté et par commune, ceci afin de faire ressortir les endroits prioritaires pour l’action publique.

Par maille et par commune, deux types de cartes ont été produites : la première (voir carte 1 ci-dessous) fournit les impacts sanitaires collectifs (carte du nombre total d’années de vie en bonne santé perdues chaque année par maille ou par commune), la seconde (voir carte 2 ci-dessous) représente le risque moyen individuel (mois de vie en bonne santé perdue par individu en moyenne au cours d’une vie entière par maille ou par commune).

Carte 1 : Impacts sanitaires collectifs liés au bruit cumulé des transports - total des années de vie en bonne santé perdue par an par commune - issue de l’étude de février 2019 de Bruitparif

Les communes qui présentent les valeurs les plus élevées d’années de vie en bonne santé perdue du fait du bruit cumulé des transports sont situées, pour une bonne partie, au sein de la Métropole du Grand Paris, mais on compte aussi parmi elles la commune de Versailles ainsi que des communes du Val d’Oise qui cumulent une densité importante de population et de fortes nuisances aéroportuaires. La palme revient à la ville d’Argenteuil et aux 15ème et 18ème arrondissements de Paris.

Au global, la Métropole du Grand Paris concentre 63% des enjeux sanitaires, avec 68 216 DALY.

Carte 2 : Risque sanitaire individuel lié au bruit cumulé des transports - mois de vie en bonne santé perdue en moyenne par habitant au cours d’une vie entière par commune - issue de l’étude de février 2019 de Bruitparif

Rapportées à l’individu, les évaluations réalisées donnent une valeur statistique moyenne de 10,7 mois de vie en bonne santé perdue du fait du bruit cumulé des transports par individu au cours d’une vie entière, au sein de la zone dense francilienne, mais les disparités territoriales sont toutefois très importantes avec des écarts relevés en matière de durée de vie en bonne santé perdue par habitant qui vont de 2,6 mois à 38,1 mois selon les communes (cf. carte 2).

Ces fortes disparités font ressortir l’impact des nuisances sonores aéroportuaires. Ainsi, les communautés d’agglomération de Plaine Vallée, Roissy Pays de France et Val Parisis présentent des valeurs multipliées par deux (24,5 à 20,9 mois de vie en bonne santé perdue par individu) par rapport à la statistique territoriale (10,7 mois). En moyenne, les habitants de la Métropole du Grand Paris perdent 10,1 mois de vie en bonne santé au cours de leur existence, les impacts sanitaires par habitant étant finalement les plus modérés au sein des territoires concernés exclusivement par les nuisances des transports terrestres, avec des valeurs allant de 8,5 mois (T1 –Paris) à 10,3 mois (pour le T3 – Grand Paris Seine Ouest et le T10 - Paris Est Marne et Bois). Les territoires de la Métropole du Grand Paris qui présentent les risques individuels les plus forts sont le T6 - Plaine Commune (15 mois), le T5 - Boucle Nord de Seine (14 mois) et le T12 - Grand Orly Seine Bièvre (12,2 mois).

Le risque individuel peut même atteindre voire dépasser les trois ans de vie en bonne santé perdue pour les communes qui conjuguent de fortes expositions aux nuisances sonores aéroportuaires à des expositions marquées aux nuisances générées par les transports terrestres. C’est le cas par exemple des villes de Compans (38,1 mois) et d’Ablon-sur-Seine (37,8 mois).

Le rapport complet qui rend compte de cette étude est disponible en cliquant sur les liens proposés ci-dessous.

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